Pendant quelques semaines, on a travaillé dans les pommes. Sympa dit comme ça, des produits frais et sains, de l’agriculture locale, tout ça tout ça. Ben en fait non, c’est bourré de pesticides et c’est de la pomme pour l’export donc niveau écologique, on a vu mieux (il y en a même pour la France !). Toujours est-il que pendant trois semaines, on a vu de nombreuses pommes passer devant nos yeux (j’ai fait quelques calculs durant les longues heures de travail, j’arrive à plus de 200 000 chacun-e).
Travail déshumanisant

Notre travail, c’était de les trier et de les mettre sur des plateaux qui vont aller dans des cartons. Parmi les pommes qui n’auront pas le privilège de traverser le Pacifique (mais qui finiront en jus ou sur le local market – c’est-à-dire dans les supermarchés néozélandais et non pas seulement sur le marché du dimanche matin comme je le croyais au départ…), on trouve principalement :
- les pommes avec des petits trous (provoqués par les tiges de leurs congénères)
- celles grignotées par je ne sais quel animal
- celles avec des coups de soleil, des éraflures, des infections…
- celles avec des traces de doigts ou petit coups qui provoquent de la pourriture. Celles-ci, c’est plutôt logique, elles pourraient pourrir le carton entier
- Mais il y aussi les malformées et les « pas de la bonne couleur » : trop rouge, pas assez, trop blanche, seulement 30 % rouge au lieu de 40…).
C’était un travail aussi passionnant qu’intellectuellement stimulant. Durant neuf heures par jour, 6 jours par semaine, nous sommes donc devant ces pommes, avec le pouvoir de vie ou de mort (au moins) sur elles. Ça laisse le temps à l’esprit de vagabonder et de se plonger dans d’intenses réflexions… dont celle-ci :
Et si on acceptait un peu plus les pommes moches ou moins conformes à ce qu’on a l’habitude de voir ?
Vive les pommes moches !
A quel point notre habitude de voir des pommes, et plus globalement des fruits et légumes, brillants, à la forme digne d’une représentation d’un livre pour enfant, bien ordonnés, ne nous habituait pas à une exigence absurde et dangereuse de l’apparence parfaite ? Est-ce que voir une pomme un peu bossue ne nous éviterait pas de regarder avec horreur le moindre poil oublié sur nos jambes ? Est-ce que si une carotte pouvait être vendue filiforme ou épaisse, on n’attendrait pas moins que toutes les femmes fassent un 36 et que tous les hommes ressemblent à un triangle ? Et si, accepter les fruits et légumes « moches », c’est-à-dire naturels, participait à abolir les diktats sur l’apparence en plus d’avoir un impact écologique important ? Plus de diversité dans l’apparence des fruits et légumes partout nous permettrait alors d’accepter nos différences et celles des autres.
Intermarché a fait il y a quelques années une campagne pour les « fruits et légumes moches », campagne marketing uniquement, green washing, vraie volonté d’avancer sur le sujet du gaspillage alimentaire ? Sûrement un peu de chaque… Mais beaucoup du premier, vu que malgré le succès prétendu de l’opération, le rayon « moche » n’existe plus. Ce genre de campagne aide mais il y a donc encore du chemin !
Évidemment, cela engendrerait un changement total de production et de système économique : mettre des pommes bossues dans des cartons à la forme figée est assez compliqué… Il faudrait donc manger plus local et exporter en quantité limitée en taxant les produits importés, taxe qui pourrait servir à financer de la recherche, l’agriculture locale, un fonds d’aide pour passer au bio…
Voilà, trier des pommes de manière abrutissante pousse à des réflexions éco-féministes et anticapitalistes. Venez trier des pommes vous-aussi !
Magnifique article ! Nous avons bien ri en le lisant avec Dady et Moune même si je sais que ce n’était pas forcément ton objectif
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C’est déjà ça aha !
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Moi aussi tes propos me font rire et réfléchir. ..
Je donnerai ce message à papou demain, il est hospitalisé pour une petite intervention depuis lundi. Je ne sais pas quand il sort mais il va bien. Bisous.
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J’espère que ça le fera rire aussi ! Gros bisous à vous deux 💕
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Parmi toutes les pommes, c’est la Pink Lady qui a le plus gros cahier des charges pour la production. C’est aussi elle qui subit le plus de traitements pour qu’elles soient appétissantes et toutes les plus ressemblantes possibles les unes aux autres. Cela fait quelques années que j’avais découvert cela grâce à la revue « que choisir ». Et pourtant, elles semblent si appétissantes…
Bienvenue dans la découverte du monde du profit pour la « satisfaction » du client, mais pas pour sa santé.
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Oui on a appris tout ça aussi ! Elles le semblent et le sont… L’alternative ici est la Rose NZ, la même mais qui respecte pas tout le cahier des charges !
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