Après le périple touristique et la perception générale de la ville, je vous propose un petit focus sur les expériences particulières à Istanbul. Un récit probablement teinté de clichés orientalistes malgré moi.

Avant l’article tant attendu sur la nourriture (attendu principalement par moi et mon estomac), il faut aussi parler de nos expériences particulières. Si Istanbul est une grande ville de l’Islam et un carrefour des civilisations européennes et asiatiques, ce n’est pas une ville arabe. Oubliez donc les fantasmes d’Aladin et sa lampe magique, de Sindbad ou de Shéhérazade… enfin pas tant que ça, car les contes des Mille-et-Une-Nuits, bien qu’écrits en arabe, ont aussi des origines persanes.
Les bazars
On trouve donc bien des similitudes entre les villes arabes et l’ancienne capitale ottomane (ou en tout cas l’idée qu’on s’en fait, car je ne suis jamais allé dans aucune ville arabe). A commencer par les bazars. Le Grand Bazaar d’Istanbul est un marché couvert traditionnel, l’un des plus grands au monde. Sous les voûtes ornementées, nous avons pu nous y perdre dans un dédale de ruelles et une profusion de marchandises : vaisseliers aux motifs hypnotiques, lampes traditionnelles, bijoutiers, riches textures des tapis persans… sans parler des pâtisseries gourmandes et des épices aussi colorées qu’enivrantes dans le Bazar Égyptien.
Quel souk hein ? … Non. Contrairement à la mal-nommée expression « mettre le bazar », tout y est soigneusement rangé pour permettre d’agglomérer un maximum de choses et de gens en un minimum de place. Des échoppes toutes semblables s’agglutinent tout autour du marché… s’il n’y avait pas la neige, il aurait été difficile de se rendre compte que l’on était bien sorti.
Le shopping à la turque

Je passe sur le quartier shopping ou sur les boutiques à touristes, très similaires aux nôtres. La plus grande différence est la proportion d’objets réellement locaux (porcelaine et tapis persans en tête), alors qu’on trouve surtout des t-shirts et mugs chinois en France.
Je me dois par contre d’évoquer le sud de Sultanahmet, expérience particulière en soi. Imaginez un large quartier avec quasi-uniquement des vendeurs de chaussures et quelques vendeurs de vêtements et costumes. Une sorte de Barbès puissance 3. Tous vendent quasiment la même chose, tous s’étalent jusque dans les rues où s’amoncellent les cartons et tous tentent de vous alpaguer avec les 3 mots d’anglais de leur connaissance quand vous avez le malheur de perdre votre regard de leur côté.

N’espérez pas faire du shopping tranquillement en Turquie. Car oui, les turcs sont majoritairement nuls en anglais (genre plus qu’en France). Et oui, ils tentent tous de vous attirer et/ou arnaquer, avec parfois des doormen postés devant les restos pour vous pousser gentiment à y entrer. Vraiment « gentiment », ils sont parfois insistants mais globalement tous assez sympas et commerçants.
Autre point surprenant, il n’y a quasiment que des hommes dans les rues ! C’est criant dans les lieux touristiques et dans les bazars : pas la moindre femme à l’horizon chez les vendeurs. Bobonne est-elle à la maison à s’occuper des enfants ? Possible – car les sorties de classes étaient bondées de femmes – mais pas sûr – car la proportion homme/femme semblait tout à fait normale dans les magasins, musées et dans les quartiers vivants (Besiktas & Kadikoy). C’est probablement plus ancré pour ces secteurs plus traditionnels.
Le hammam
Autrefois appelé bain turc en France, on se devait de tester un vrai hammam traditionnel. Il faut encore une fois sortir du réflexe orientaliste, le hammam trouve en réalité son origine dans les thermes romains. Il n’empêche que la tradition s’est quelque peu perdue à Lutèce. C’était donc dépaysant.

Ces établissements historiques n’ont pas beaucoup changé depuis des siècles, nous avons pu vivre quasiment la même expérience que les sultans ottomans deux siècles plus tôt, les femmes du harem en moins… Après recherche, nous avons trouvé l’un des plus vieux hammams de la ville, et l’un des seuls qui accueillait hommes et femmes aux mêmes horaires d’ouverture. Nous sommes accueilli chaleureusement puis invité à nous changer, avec toujours la même interrogation : jusqu’à quel niveau doit-on se déshabiller ? Après avoir sué ensemble sur les dalles chaudes, nous avons été séparé pour être pris en charge par quelqu’un du même sexe. S’en est suivi un gommage et un massage tonique pour moi, et plus doux pour Lucie (qui avait visiblement amadoué sa masseuse, qui lui a fait don de son gant de crin). L’étape suivante est plus agréable : nous avons été recouvert de mousse via un linge imbibé de savon, puis rincés sous des écuelles d’eau claire. Une expérience parfaite en plein hiver, et notre peau s’en est souvenue pendant 2 semaines de douceur, jusque dans les paumes de la main.

Mosquées et conversions
Saviez-vous que 75% des nouvelles personnes converties à l’Islam sont des femmes ? Hé bien les religieux locaux le savent bien et tenteront de vous convertir en priorité si vous avez le malheur (ou bonheur, c’est selon) d’appartenir au beau sexe.

Les mosquées sont des hauts lieux touristiques de la ville, mais sont toujours des lieux de culte actifs, contrairement à bon nombre d’églises en Occident. A l’extérieur, on trouve donc des panneaux publicitaires vantant les mérites de la religion et cassant les idées reçues sur l’Islam avec plus ou moins de succès. Une fois les chaussures ôtées – à l’intérieur – des religieux du centre d’accueil islamique s’occupent de gérer les flux de touristes, leur racontent parfois des informations sur la mosquée… et en profitent pour tenter de convertir. Lucie a demandé la signification d’éléments de calligraphie, découvert une citation de Marie, et s’est ensuite retrouvée avec des listes d’arguments prouvant l’existence d’un dieu unique.

Bref, un accueil généreux, mais un peu trop. On se contentera de prendre en photo les beaux plafonds et de partir en gardant notre (absence de) conviction. Avec un Coran offert dans une autre mosquée.
Chats & chiens

Même s’il ne pleuvait pas des chats et des chiens, ils étaient nombreux dans les rues d’Istanbul. On peut trouver des chats au milieu des fils électriques sur les murs d’un bazar bondé, au milieu d’une mosquée, dans la rue et bien sûr dans les jardins. Même les grands magasins les accueillent généreusement durant les froideurs de l’hiver. Les chiens sont plus concentrés dans les quartiers des restaurateurs, qui leur offrent souvent leurs restes.
Contrairement aux chiens errants de Bali, qui aboyaient pour garder la maison, les animaux sont ici très amicaux. Un chien pourra facilement choisir de vous suivre sur une ou deux rues après avoir reçu une caresse. Si les chats sont plus farouches, certains apprécieront votre présence et sont trop mignons… mais les images parlent plus que les mots.
Thé ou café ?
Dernière expérience, qui fera le lien avec le prochain article sur la gastronomie turque, le thé et le café (je passe sur les narguilés en option dans les établissements spécialisés, nous n’avons pas testé). Istanbul est un centre économique, mais les stambouliotes savent toujours prendre le temps pour boire un peu d’eau chaude.

N’imaginez pas un thé à la menthe plein de sucre. Ici, le thé à la pomme est roi. Il peut être parfois un peu amer, car souvent laissé très longtemps à bouillir ou gardé sur le feu pour être prêt à être servi à tout moment. Mais la plupart du temps, il est juste très goûtu et parfait pour une pause (et il vaut mieux aimer le thé ou le café, car vous trouverez difficilement une bière en terrasse à tous les coins de rue).

Le café a trouvé son succès dans la tradition ottomane sous Sélim Ier au XVIe siècle, où il est devenu quasiment une cérémonie avec son protocole. Aujourd’hui, c’est plus simple. Les cafés sont encore nombreux, et servent principalement du moka, non filtré. Il faut donc le faire tourner régulièrement pour en profiter au maximum et ne pas laisser trop de dépôt. Les astrologues en herbe peuvent aussi retourner la tasse pour apprendre des choses sur eux dans le marc de café retourné. Les gens de goût rejetteront ces superstitions et ce breuvage infect.

Et je finis ici ces expériences. Prochaine étape, la bouffe, la bouffe, la bouffe !